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6 mai 2005

Et si Étienne Chouard faisait gagner le « non »

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Novice en politique et pro-européen, ce professeur est tombé de haut en découvrant le contenu de la constitution européenne. Il en publie une critique, sur Internet, qui se répand comme une traînée de poudre.

C’est un conseil amical livré à toute l’assemblée réunie dimanche dernier sous le dôme au siège national du PCF. « Il faut absolument que vous lisiez un texte capital sur la constitution, enjoint un participant à la rencontre européenne pour le « non » coorganisée par la Fondation Copernic et Espaces Marx. Son auteur s’appelle Chouard, Étienne Chouard. Souvenez-vous, ça commence comme « chouan », mais ça finit comme « tête de lard ». C’est excellent : après l’avoir lu, on ne peut que voter non au référendum ! » Ailleurs, ce sont les médecins urgentistes en grève qui, sur leurs listes de discussion, se plongent dans le document d’Étienne Chouard. Il y a aussi le romancier Martin Winckler, qui, marquant son engagement en faveur du « non » sur son site web, encourage vivement à lire cette « critique très précise de la constitution européenne, rédigée de manière lisible (contrairement à la constitution elle-même) ». Ce sont des syndicalistes du SNUIPP du Loiret qui le transfèrent à l’Humanité. D’autres qui l’envoient à tous leurs amis, avec ce commentaire : « C’est lumineux, en treize pages et une heure de lecture, vous avez tout compris, tout Français ayant lu cette analyse, qu’il soit de droite ou de gauche, ne peut plus que voter non ! » Ce sont, enfin, des centaines, voire des milliers de personnes qui, hier, aujourd’hui ou demain, mettent la main sur ce texte et se l’échangent avec enthousiasme...

Mais qui est donc cet Étienne Chouard dont tout le monde, sauf les médias dominants, parle ? Un citoyen « de base », pas un militant... Ah ça non ! vraiment pas un militant : jusqu’ici, Étienne Chouard, quarante-huit ans, quatre enfants, n’avait jamais fait de politique ! Prof de droit, d’économie et d’informatique dans un lycée à Marseille, il n’est pas syndiqué et n’a jamais fait grève de sa vie : « En vieillissant, je me sens quand même un peu merdeux de ne pas être syndiqué, parce que je sais que je profite des bagarres menées par les autres », confesse-t-il à l’Humanité. Le 25 mars dernier, c’est cet homme-là qui place sur son site personnel (1), entre les photos de sa famille et ses aventures en parapente - sa véritable passion -, une démonstration, au style sobre mais ferme, du caractère profondément antidémocratique du texte soumis au référendum du 29 mai : « Une constitution doit être lisible pour permettre un vote populaire : ce texte-là est illisible » ; « Une constitution doit être politiquement neutre : ce texte-là est partisan » ; « Une constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé par une exigence de double unanimité » ; « Une constitution protège de la tyrannie par la séparation des pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là organise un Parlement sans pouvoir face à un exécutif tout-puissant et largement irresponsable » ; « Une constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties. »

« Je me demande si le fait d’être un novice complet en politique ne fait pas apparaître de façon plus claire, plus évidente le résultat inacceptable d’une très lente évolution, verrouillée aujourd’hui par cette constitution européenne, raconte-t-il encore. En lisant les centaines de pages de ce projet, ces derniers mois, je me disais : "Mais c’est ce truc-là qu’on nous fabrique à l’échelle de l’Union européenne depuis des années ?" Il n’y a pas de trahison ou de complot des élites à proprement parler, mais c’est plutôt à force de renoncements successifs aux règles démocratiques qu’ils se sont, je le crains, progressivement accoutumés à un résultat qui paraît pourtant choquant quand on n’y pas été préparé et qu’on le compare à notre système national, déjà très imparfait... Il y a encore quelques mois, j’étais sûr et certain de voter "oui", parce qu’il ne faut pas freiner l’Europe, que c’est la paix, que l’idée est très belle en soi... Mais en fait, quand les gens comme moi débarquent dans ce débat et qu’ils lisent le projet de constitution, ils se réveillent brutalement et comprennent que ce texte sert à garantir au pouvoir, et pour longtemps, qu’il ne sera pas gêné par les contrôles exercés par le peuple ! »

En une dizaine de jours, Étienne Chouard a reçu près de 2 000 courriers de lecteurs. « C’est d’une richesse merveilleuse, rapporte-t-il. Il y a une variété d’hommes et de femmes : des chirurgiens, des paysans, des profs de fac, des journalistes, ingénieurs, députés, infirmières, des militants en pagaille, des patrons de PME, des vieux briscards du syndicalisme qui m’envoient des messages émouvants... » En une dizaine de jours, Étienne Chouard est devenu une des figures du « non », un parmi les millions de visages d’un gigantesque mouvement souterrain. Et aujourd’hui il encourage chacun à prendre part à la discussion : « Fiez-vous aux idées et aux arguments ! Ce débat important appartient au commun des mortels, c’est la beauté de la démocratie. Ne le laissez pas confisquer par de soi-disant experts. Lisez, réfléchissez et prenez la parole sans complexe. »

Thomas Lemahieu

(1) http://etienne.chouard.

free.fr/.

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